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L’horlogerie suisse vient de vivre deux semaines intenses, entre célébrations créatives et inquiétudes économiques.

À Genève, les Geneva Watch Days 2025 ont marqué le retour d’un souffle d’optimisme. Dans une atmosphère à la fois élégante et conviviale, les maisons indépendantes et quelques grandes marques se sont retrouvées pour dévoiler leurs dernières créations. On y a vu des pièces audacieuses, mêlant matériaux innovants et savoir-faire artisanal. Les allées bruissaient d’accents venus du monde entier : collectionneurs passionnés, journalistes, mais aussi de simples curieux, attirés par l’occasion rare de voir les montres de si près. L’événement confirme sa position à part : moins guindé que Baselworld autrefois, mais tout aussi influent dans la mise en lumière des nouvelles tendances.

Dans le flot des annonces, un modèle a particulièrement retenu l’attention : la “Caballero” de Singer Reimagined. La marque, déjà connue pour ses liens avec l’univers automobile, a présenté une montre dotée d’un nouveau mouvement, le Calibre-4 Solotempo. Quatre barillets, six jours de réserve de marche, un boîtier en acier de 39 mm… Une pièce qui allie technicité brute et raffinement discret, proposée autour de 22 000 dollars. Dans les discussions entre passionnés, on la décrivait comme une « machine de course habillée d’un smoking », capable de séduire autant les amateurs de belle mécanique que les collectionneurs pointus.

Mais derrière l’effervescence créative, un sujet dominait les conversations feutrées des salons comme les colonnes de la presse économique : les nouveaux tarifs américains. Depuis fin août, Washington a imposé une taxe de 39 % sur les importations horlogères suisses. Une mesure qui menace directement le premier marché d’exportation de la branche. Dans les boutiques de New York ou Miami, on craint déjà une flambée des prix qui pourrait détourner certains clients, même fortunés.
Pourtant, certains acteurs tentent de rassurer. Le distributeur britannique Watches of Switzerland a par exemple affirmé qu’il tiendrait ses objectifs du semestre, grâce à une demande toujours solide aux États-Unis et à des stocks confortables. En coulisses, la question est plus délicate : combien de temps le marché américain acceptera-t-il cette hausse artificielle des prix ?

Pendant ce temps, en Asie, les nouvelles sont plus ternes. La demande en Chine et à Hong Kong continue de s’essouffler. Deux marchés autrefois moteurs, qui semblent aujourd’hui marquer le pas, fragilisés par une conjoncture économique plus incertaine et une clientèle locale plus prudente. Pour les marques, le contraste est saisissant : alors que l’Amérique reste énergique malgré les turbulences, l’Orient, jadis terre promise, inquiète.

Ce qui frappe dans ce tableau contrasté, c’est la polarisation croissante du marché. Les montres d’ultra-luxe et les grandes icônes continuent de trouver preneur sans trop de difficultés, tandis que le segment “moyen de gamme” souffre davantage. Les collectionneurs passionnés se déplacent toujours pour acquérir la pièce rare, mais les acheteurs plus hésitants se laissent influencer par les prix, les taxes et la confiance économique.

En résumé, ces deux dernières semaines auront montré un visage double de l’horlogerie : d’un côté, une créativité débordante et une énergie palpable dans les salons de Genève ; de l’autre, une industrie fragilisée par les tensions commerciales et une géopolitique imprévisible. Un paradoxe qui, en réalité, résume parfaitement l’ADN de cette branche : un pied dans la tradition séculaire, l’autre dans un monde en perpétuel déséquilibre.