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En horlogerie, une complication est une fonction autre que l’indication de l’heure et des minutes. Bon, des secondes aussi. A proprement parler, chaque fonction supplémentaire est une complication car elle rend le mécanisme plus compliqué, tout simplement.

Les complications connues sont les quantièmes de la date, plus ou moins perpétuels, les phases de lune, ou de l’autre, suivant comment on les représente, les sonneries, grandes ou petites, à la demande lorsqu’elles répètent, ou encore le résultat de l’équation pleine d’inconnus, celle du temps qui permet de savoir l’heure du lever et du coucher du soleil… la liste n’est pas exhaustive, mais elle montre que ces indications forment un ensemble de mécanismes supplémentaires complexifiant le schéma de base d’une montre mécanique, à savoir :

Il est aussi quelques complications qui n’indiquent rien de plus sur un cadran, mais qui rendent le mouvement bien plus complexe. Il en est ainsi du tourbillon et du carrousel.
L’académie ne s’étant pas prononcée pour dire si le terme « complication » peut officiellement être attribué à ce genre de complexification, on dira céans que tout ce qui complique un mouvement est appelé complication. Sauf le système de remontoir de la dernière Chanel Rétrograde Mystérieuse où ça s’appelle une « emmerdation » (complication stupide ne servant à rien du tout). Il est enfin – et c’est l’objet de notre récit – des complications insoupçonnées, complications de l’ombre, celles qui, modestes en leur présence, humbles en leurs fonctions, améliorent vos gardes-temps, celles qui jamais sur une fiche technique n’apparaissent ou dans l’étalage marketing ne se vantent.

Vous qui avez une jolie Rolex Datejust de base, vous pensiez que la date était la seule complication de cette montre ? Qu’elle était basique à en mourir ? Que le cadran à cercles concentriques était sa seule excentricité ? Que vous alliez la revendre pour enfin vous acheter une vraie belle montre (ça, c’est concevable) ?

Tout commence avec une grande trotteuse placée comme l’aiguille des minutes et celle des heures, au centre ; et vous pensez que c’est tout simple, ça ? L’idée est qu’on puisse plus facilement lire les secondes écoulées sur le plus grand des cadrans, mais sans ajouter de roues, on le conçoit. On rappellera d’ailleurs que la chose n’est pas si évidente même pour l’aiguille des minutes qui n’a été pensée tard (fin 17ème). Pour la grande seconde, c’est entre 1740 et 1760, bien qu’il ait fallu du temps pour vraiment adopter cette position, car la position « normale » de l’aiguille des seconde serait de rester à sa place, au dessus de la roue des secondes, dans un compteur indépendant : la petite seconde.

La grande trotteuse centrale est donc bien une complication… une complication simplifiante ! Mais il y a plus discret…

Comment pensez-vous que l’affichage de la date (le quantième simple) soit le plus aisément fait ? Pour l’utilisateur, c’est assurément par un guichet ouvrant sur l’affichage numérique du quantième. Mais pour la montre elle-même, une simple aiguille montée sur l’étoile de quantième serait simplement plus simple. L’affichage numérique est une complication simplifiante. Et c’est général, d’ailleurs, pour tous les quantièmes… laquelle de ces deux montres est la plus compliquée ?

 ou bien

Plus c’est simple, et plus c’est compliqué.

On ne soupçonne que rarement la complication des montres qui paraissent simples, mais lorsqu’on y réfléchit, effectivement, le travail est impressionnant pour simplifier l’utilisation de nos tocantes chéries. D’ailleurs, la complication simplifiante n’est pas uniquement destinée aux arriérés de la lecture sur cadran, mais également au sous-doués de la dextérité méticuleuse.
En effet, tous les savoirs horlogers se sont jadis réunis et continuent de réfléchir au moyen de vous faciliter la vie lorsque vous ajustez votre chère montre chérie, et surtout lorsqu’elle affiche une date. 
Au quatrième top, il sera l’heure de repousser votre couronne : si le stop seconde vous semble aller de soi, songez que la plupart des montres encore dans les années 1960 n’en étaient pas équipées et que la mise à l’heure se faisait alors que le mouvement continuait de tourner, et l’oscillateur d’osciller.
Ce fait est toujours d’actualité pour la plupart des montres à tourbillon : Lange & Söhne nous a gratifié d’un stop tourbillon, mais il était temps !

De fait, il était mal avisé de mettre à l’heure une montre en tournant brusquement les aiguilles en sens inverse : là encore, pour vous simplifier la vie on vous a compliqué l’avis. Mais du point de vue de l’ajusteur du temps, les plus gros progrès doivent probablement se situer dans le réglage des quantièmes de date.

Pour commencer, il convient de pouvoir régler rapidement. On en parle pas assez souvent, mais régler la date peut être très… comment dire ?… très… gonflant ! Oui, c’est bien le mot : gonflant !
Tirer la couronne en position 1 et tourner dans un sens pour régler rapidement le quantième et dans l’autre pour le jour : vive la DayDate ! Mais lorsque votre vieille GMT-Master indique le 17 alors qu’on est le 16 : êtes-vous à ce point vétilleux que valeureusement vous vous préoccupâtes de tourner d’environ 360 tours votre couronne ? Nenni ! Vous abandonnez comme un lâche et comme tout le monde (zeugma) en pensant à celles (les montres) qui d’un tour de couronne sautent tout de go du 16 au 17, ou celles (les montres) qui peuvent revenir en arrière…

Le réglage est délicat, et même les montres modernes n’offrent t’elles pas toutes ces complications simplifiantes qui permettent de régler en avant, en arrière, par dessus, par dessous, les jambes en l’air et le ventriloquent : la plupart du temps, il convient d’être obligeant avec sa tocante et de ne point l’astiquer aux heures où son humeur n’est en aucun cas la meilleure, entre 22h. et 3h. Et cela, uniquement pour le quantième du mois, alors imaginez si votre montre affiche le jour de la semaine, le quantième du mois, le mois et une phase de lune, voire une année, et pour achever si le tout est « perpetuel » c’est à dire prévu pour tout afficher mais pas être ajusté !

Divers systèmes ont été inventés, et vous êtes invités à vous y intéresser plus avant. Toujours est-il que pouvoir ne pas se soucier de l’heure à laquelle on peut régler la date, et pouvoir régler celle-ci en avançant et en reculant (tcha tcha tcha…) mérite tout votre respect pour cette complication simplifiante, luxe suprême des montres qui ne l’affichent même pas.

Pour les quantièmes perpétuels qui affichent en général beaucoup de choses en même temps, les horlogers ont résolu une partie des soucis avec les correcteurs. Mais là encore, toutes les montres ne se valent pas et les plus compliquées ne sont pas toujours les plus simples… enfin… j’me comprends…

Certaines ont regroupé la correction de toutes les indications en un seul poussoir, pour simplifier, synchronisant l’ensemble des indications. D’autres relayent ça au remontoir, suivant les positions, et d’autres enfin sont pleines de p’tits trous qu’on enfonce avec une pointe pour régler tour à tour le jour, le mois ou la lune, mais rares sont celles qui permettent de revenir en arrière : si vous avez dépassé la date prescrite, vous êtes quitte pour la rapporter chez votre trésorier d’horloger.

Lange & Söhne, à ce titre, a compliqué son Datograph Perpetual au point de permettre à son utilisateur d’éviter les réglages malencontreux, et aussi de régler au choix les nombreuses indications une à une à l’aide de correcteurs classiques, ou collectivement. Le poussoir situé à 10 heure règle l’ensemble des indications de date, mais ne peut se faire uniquement lorsque la couronne est tirée grâce à cette complication simplifiante ci-contre.

Et d’ailleurs, cette même montre montre la lune, ou plutôt sa phase, avec une précision que jalouserait l’indication d’une Perrelet à grande phase de lune centrale (à gaz).
En effet, s’il est simple de faire avancer les phases de lune avec une seule petite roue de 59 dents, il est moins commode de devoir réajuster cette indication tous les ans. La Moser Perpetual Moon permet même de n’y penser que tous les 1000 ans.

Concernant les « changement » d’indication, il y a également matière à réflexion.
Le quantième du mois, pour beaucoup de montres, passe tout en douceur d’un jour au lendemain : il faut environ 30 à 45 minutes pour changer de jour, qu’il soit sidéral ou civil. Et c’est bien pire pour les quantièmes perpétuels qui passent du Dimanche 28 Février au Lundi 1er Mars en envisageant, loin de toute logique floue, les 29, 30 et même 31 Février… Mais quelques petits mécanismes secrets sauront pourtant vous faire « sauter » l’indication comme pour la Patek-Philippe Ref.5207 qui pousse l’arrogance jusqu’à présenter toutes les indications perpétuelles de la date dans des guichets et se modifient de façon quantique, tel un chat de Schroedinger.

Lorsqu’on songe au nombre de pièces qu’il faut ajouter à cette montre pour ne pas trainer à changer de date, on comprend combien la simplification est compliquée. Plus subtil encore, la grande date, inventée par Vénus en 1950 et par amour des mauvaises vues, affichant le quantième du mois dans un double grand guichet grâce à deux disques : s’il s’agit là bien ostensiblement d’une complication qualifiée, sa simplification en un grand affichage unique, sautant (quantique ?) et bi-directionnel par H.Moser pour sa Perpetual est bien une complication simplifiante. On n’arrête pas le progrès !

Tout guillerets que nous sommes, ne nous arrêtons pas de sautiller en chemin : les chronographes sont également source de complications simplifiantes. Sans parler du fait que le compteur des secondes est systématiquement ramené au centre pour permettre une lecteure aisée, les compteurs des minutes écoulées sont bien trop petits pour, souvent, apprécier facilement la minute où l’on est… 
Alors qu’on me les fasse « sautantes » ces minutes ! Et qu’ça saute !! Et puis celles qui ont des secondes foudroyantes ou dont la précision est telle qu’une lecture très juste est impérative : comment compliquer tout ça pour mieux simplifier l’usage ? Admirez la Jaeger-LeCoultre Duomètre à Chronographe et contemplez surtout cette seconde à la fois foudroyante, sautant de 6ème en 6ème, et unifiante puisqu’elle rassemble les mouvements permettant d’isoler chronographe et chronomètre.

D.L