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Au cours du XVIIIe siècle la fabrication des montres astronomiques fit place, peu à peu, à celle des montres indiquant la date et, généralement, les phases de lune. Ces montres-calendrier primitives étaient toutes du genre simple, c’est-à-dire qu’à la fin de chaque mois de moins de 31 jours l’aiguille des jours devait être avancée à la main.

L’adjonction au mouvement du mécanisme compliqué de calendrier perpétuel dans lequel, tous les quatre ans, le 29 février serait enregistré automatiquement, était depuis longtemps le rêve de chaque horloger.

A la Vallée de Joux, Charles-Henri Audemars fut le premier à émettre des idées pratiques sur la manière de résoudre ce problème.
Les avis sont partagés quant à savoir qui fut l’inventeur de la première montre à calendrier perpétuel. Marcel Piguet accorde cet honneur à Elisée Golay, des Piguet-Dessous, qui fit sa première montre à quantième perpétuel en 1853. D’autre part, les auteurs de La Montre Suisse attribuent la fabrication du premier mécanisme de ce genre à Louis-Elisée Piguet, ce grand pionnier dans le domaine des montres compliquées, qui l’aurait exécuté la même année, alors qu’il était âgé de dix-sept ans.
G.-H. Baillie, de son côté, mentionne Golay comme étant l’inventeur d’un calendrier perpétuel et Piguet comme ayant conçu le premier mécanisme de calendrier perpétuel, les deux en cette même année 1853.
Il est possible qu’ils soient arrivés à la même solution indépendamment, mais cette coïncidence plutôt singulière pourrait peut-être trouver son explication dans le fait que tous deux portaient le même prénom : Elisée, et qu’Elisée Golay venait des Piguet-Dessous.
Aussi, la clé de l’énigme ne se trouverait-elle peut-être pas dans une erreur d’impression d’un des anciens écrits horlogers ? A défaut de preuve formelle, la balance semble pencher légèrement en faveur d’Elisée Golay, car il est certain que Louis-Elisée Piguet est né en 1836, et même pour un génie pareil l’âge de dix-sept ans ne paraît guère être le plus propice à l’accomplissement d’un travail de ce genre.

En 1860, la maison Louis Audemars sortit la première montre à calendrier perpétuel sans aiguille rétrograde. Cette innovation, qui comportait un cadran de 48 mois faisant une révolution en 4 ans, était plus sûre et moins onéreuse. Elle avait en outre sur les modèles d’alors l’avantage, si la montre venait à s’arrêter, de permettre la remise à jour du calendrier sans difficulté.

Il semble y avoir un peu de flottement quant à la date exacte de l’invention de la montre à répétition à minutes, c’est-à-dire, dans les mécanismes de grande sonnerie, la complication additionnelle faisant sonner les minutes aussi bien que les heures et les quarts à volonté plutôt qu’en passant, quoiqu’à la Vallée de Joux on pense que Philippe Meylan fut le premier à construire cette cadrature compliquée et à l’enseigner à ses apprentis.
Malgré l’importance de cette invention, elle ne semble avoir été adoptée que beaucoup plus tard, ce qui explique que la date généralement admise aujourd’hui se situe entre 1823 et 1840. Il y avait alors très peu d’hommes capables d’entreprendre la construction de ce mécanisme si compliqué, et on sait que Louis Audemars était du nombre.

Les premières montres compliquées à grande sonnerie, combinées avec une répétition à minutes, comportaient généralement trois rouages, un pour les heures, un pour la répétition à minutes à volonté, et un pour la sonnerie des heures et des quarts en passant.
En 1858, la maison Louis Audemars fit étudier par Henri Golay de la Forge, du Brassus, qui s’était établi à Genève en 1833, le premier calibre de ce genre, mais ayant deux rouages au lieu de trois.
En partant de ce calibre, Louis-Elisée Piguet, du Brassus, alors apprenti d’Henri Golay, construisit la première montre de ce genre n’ayant qu’un seul ressort et une seule cadrature, à la fois pour la répétition et pour la sonnerie des heures et des quarts en passant.
Cette importante réduction de deux mécanismes en un seul permit plus tard à la maison d’adapter ce calibre à son système de remontage au pendant.

Henri Golay de la Forge était un horloger d’une habileté consommée qui se spécialisa dans la fabrication des montres à grande sonnerie de tous genres. Il s’était fixé à Genève sous les auspices de la maison Louis Audemars, et il y forma et instruisit presque tous les maîtres-horlogers qui ensuite retournèrent à La Vallée pour se vouer à ce travail particulièrement délicat et hautement spécialisé.

Un bon nombre de réussites techniques importantes de la maison, à cette époque, étaient dues au génie fécond de Charles-Henri Audemars, huitième fils de Louis Audemars. Celui-ci n’avait pas été obligé, comme ses frères, de quitter le Crêt-Meylan pour parachever ses connaissances. Il put assimiler sous le toit paternel, lorsqu’il eut atteint l’âge de partager leurs travaux, tout le savoir acquis par ses frères au près et au loin.
Sa compétence était telle qu’à la mort de son frère Adolphe il put prendre la direction de la maison. Plus tard, après le décès de François, en 1865, il la partagea avec son frère Auguste. Ce fut lui qui présida à la fabrication de toutes les montres extra-compliquées qui firent la renommée de la maison lors des Expositions Universelles de 1851, 1855, 1862, 1865, 1873, 1876, 1878 et 1879, et ce fut encore lui qui organisa l’installation des vitrines de la maison à Paris et à Vienne.
Ce fut aussi Charles-Henri Audemars qui, en 1868, inventa et construisit le premier outil à découper le quadruple limaçon des minutes qui fait partie de la cadrature d’une montre à répétition à minutes.
David-Louis Golay, du Sentier, l’un des premiers horlogers à fabriquer les parties de montres compliquées par procédés mécaniques, utilisa cet outil et le perfectionna.

En 1849, la maison Louis Audemars produisit la première montre à remontoir au pendant à deux ressorts, et en 1851 la première pièce du même type portant la disposition perfectionnée du remontoir. En 1859, elle adapta aux montres à deux ressorts le système de double remontage qui venait d’être inventé par Louis-Elisée Piguet.

En 1860, un progrès important fut accompli simultanément par la maison Guillaume à Fleurier et par la maison Louis Audemars à la Vallée.
Deux de leurs ouvriers, Louis-Elisée Piguet et Jules-Louis Piguet, exécutèrent la première cadrature pour montre à grande sonnerie à étoile actionnante fixe, c’est-à-dire dont l’axe était fixe au lieu d’être mobile, comme cela s’était fait jusqu’alors. Cette simplification, qui était en même temps un progrès, augmenta l’efficacité du mécanisme de sonnerie de sorte qu’il ne pouvait plus manquer.
C’est vers cette époque que la maison introduisit la première montre chronomètre à fusée à remontoir et mise à l’heure au pendant. C’était une victoire technique, mais une difficulté apparemment insurmontable se dressa aussitôt.
Contrairement au barillet, ou couvercle du ressort-moteur, qui tourne continuellement dans le même sens, la fusée, lorsqu’elle est remontée, doit rétrograder pour actionner le rouage. Par conséquent, elle doit alors être immédiatement libérée de son cliquet, ou ressort d’engagement.
Dans les systèmes en usage à l’époque, le cliquet n’était engagé qu’à chaque mouvement de la main, ce qui rendait inefficace tout le dispositif.
Le système de remontage introduit par la maison Louis Audemars pour ce chronomètre à fusée se dégageait automatiquement dès que le ressort était complètement remonté et que le doigt d’arrêtage avait produit son effet.

Deux autres innovations furent introduites en 1881. En étudiant à nouveau les calibres, et en modifiant la position du remontoir plutôt que celle du rouage, comme cela avait été le cas jusqu’alors, on vit que le même calibre pouvait servir à la fois pour les montres de poche ordinaires et pour les montres savonnettes, l’aiguille des secondes restant sur six heures dans les deux cas.

Une nouvelle étude des calibres des montres à répétition, en avril de la même année, montra que la même cadrature, les deux marteaux étant rapprochés, pouvait être utilisée à la fois pour les répétitions à quarts et à minutes. Cette nouvelle disposition, combinée avec un mécanisme de calendrier perpétuel, permit une importante économie de hauteur.
La même année, en plus de diverses améliorations se rapportant au remontage des montres à deux ressorts de barillet, la maison inventa un mouvement de chronographe simplifié dans lequel, au moyen d’un mécanisme composé de quatre parties, l’aiguille de chronographe pouvait être arrêtée et renvoyée à zéro par deux pressions sur le même poussoir.

En 1867, la maison adapta son système de remontage au pendant à une montre à trois ressorts, le deuxième étant automatiquement libéré lorsque le troisième était remonté. L’expérience ainsi acquise fut utilisée dans la fabrication de la montre extra-compliquée qui fut présentée à l’Exposition Universelle de Paris, en 1878.
Cette pièce remarquable, la plus compliquée de l’époque, comportait trois rouages distincts. Elle comprenait une grande et petite sonnerie, sonnant les heures et les quarts d’heures en passant, une répétition à minutes, un quantième perpétuel avec phases de lune, un chronographe rattrapante au cinquième de seconde dont l’aiguille compteur du chronographe était fixée sur le même axe que l’aiguille des secondes, et un dispositif d’heures indépendant inventé par la maison, qui était le précurseur des montres à heure universelle modernes. On l’appelait alors montre à longitudes, ou montre de voyage à deux cadrans.
Sur les prototypes, l’avance ou le retard des heures devait être effectué, mais en décembre 1870 parut la première montre sur laquelle, lorsqu’on mettait les aiguilles d’un des cadrans sur le nom d’une localité principale d’un secteur géographique donné, on pouvait immédiatement lire sur le deuxième cadran l’heure de la ville vers laquelle le voyageur se dirigeait.
La couronne de remontoir, par sa tige, remontait les trois ressorts à la fois, et la double mise à l’heure des deux mouvements indépendants était également effectuée par la même tige. Cette montre, qui comportait un thermomètre métallique, avait un spiral cylindrique et 45 rubis.
C’est pour cette montre que la maison reçut la croix de la Légion d’Honneur, et ce fut l’un des cas très rares où cette distinction ait été décernée pour un fait qui n’était ni politique ni militaire. En même temps, la première médaille d’or de l’Exposition et le Diplôme d’Honneur de l’Académie nationale de France lui furent également décernés.

Nous ne pouvons indiquer ici que quelques-unes des réussites qui marquèrent l’histoire de l’horlogerie au dix-neuvième siècle : deux montres exposées à Vienne en 1873 avaient un diamètre inférieur à 30 mm. Chacune comportait une répétition à minutes et un quantième perpétuel.

Le 15 mai 1878, la maison sortit une répétition à minutes de 18 mm de diamètre. Un pareil tour de force n’avait encore jamais été accompli dans l’histoire de l’horlogerie, et on n’en connaît que deux autres, ceux d’Audemars Piguet et de Lucien Golay.
A la même exposition de Vienne fut présentée la montre No 11562, chronographe à double cadran, l’un se trouvant sur le mouvement et l’autre dessous. D’un côté était un chronographe rattrapante, et de l’autre un chronographe simple; chaque mécanisme travaillait indépendamment, c’est-à-dire que les trois aiguilles de retour à zéro fonctionnaient sur le même axe.

Montre No 10859, avec répétition à minutes, quantième perpétuel avec phases de lune, double mécanisme d’heure, l’un à répétition, l’autre donnant l’heure sidérale, secondes indépendantes, rattrapante système Pouzait, thermomètre métallique, 44 rubis.

Le 23 avril 1878 fut achevée la montre No 12200. Elle avait le même mécanisme de double chronographe que celle No 11562, et en plus une répétition à minutes, une grande sonnerie et un calendrier perpétuel avec phases de lune. En outre, elle comportait une aiguille de secondes indépendante système Pouzait.
Le 30 mars 1876 parut la montre No 12379 qui avait toutes les complications de la précédente, et en outre le double cadran des longitudes ou cadrans de voyage, ainsi qu’un thermomètre, et, le 15 décembre 1876, une montre grande sonnerie de 30 mm de diamètre.

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