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A notre époque où les machines électriques envahissent non seulement les usines mais encore les appartements, les cuisines, les studios, les salles de spectacles, etc., il devient de plus en plus nécessaire de protéger les montres contre l’aimantation.
Avant d’aborder ce sujet de la protection des montres, nous rappellerons quelques notions élémentaires qui sont souvent ou ignorées ou mal comprises.

Magnétisme et aimantation 

Un objet en fer ou en acier se trouvant près d’un aimant est attiré vers celui-ci. Même s’il n’est pas déplacé (par exemple parce qu’il est fixé), il subit une influence et devient lui-même un aimant capable d’attirer un autre corps en fer ou en acier. L’influence de l’aimant se fait sentir d’une façon perceptible jusqu’à une certaine distance qui limite ce qu’on appelle le champ magnétique de l’aimant. 
L’aimantation, c’est-à-dire la propriété d’attirer un corps ferreux, subsiste dans les pièces d’acier qu’on a écartées du champ magnétisant; l’aimantation restante n’est plus aussi forte qu’au moment où le corps est dans le champ et elle tend à diminuer avec le temps. 
L’aimantation temporaire est celle du corps tant qu’il se trouve dans le champ magnétique, l’aimantation résiduelle ou permanente celle qui subsiste dans le corps qui a été dans un champ magnétique d’où on l’a écarté. 
Un morceau de fer est aimanté tant qu’il reste sous l’action du champ magnétisant; il perd son aimantation dès qu’on l’en retire; il n’a qu’une aimantation temporaire. L’acier par contre a, de plus, une aimantation permanente. 
Quand nous parlons d’acier, nous pensons à un alliage fer-carbone (0,4 à 1,5 % de carbone) qui prend la trempe ; quand nous parlons de fer, il s’agit de fer pur (fer électrolytique, fer Armco). Le danger pour les montres qui passent ou séjournent dans un champ magnétique est l’aimantation des pièces d’acier si nombreuses – pièces du mécanisme de remontoir, vis, pignons, arbres, ressort, raquette, organes de l’échappement, balancier bimétallique, spiral d’acier, boîte, aiguilles, etc. 
La marche de la montre aimantée est modifiée nous appelons influence temporaire la variation de la marche diurne pendant que la montre se trouve dans le champ magnétique et effet résiduel la variation de la marche diurne de la montre retirée du champ. La perturbation de la marche peut aller jusqu’à l’arrêt de la montre dont l’organe régulateur ne peut plus fonctionner. 
On retiendra que certaines substances dites ferromagnétiques prennent facilement l’aimantation. Ce sont : le fer et les alliages fer-carbone (acier, fonte), le nickel, le cobalt. D’autres substances ne se laissent pas aimanter, du moins d’une façon perceptible ; ce sont le laiton, le cuivre, le bronze, le bronze au glucinium (Glucydur), l’aluminium, l’ébonite, l’or, l’argent, les pierres précieuses, le bois, etc.

Le champ magnétique 

Le voisinage d’un aimant est un champ magnétique ; un corps magnétisé y est aimanté. Un champ de même nature peut être produit par un électro-aimant ou simplement par un conducteur parcouru par un courant. Un morceau d’acier devient un aimant d’autant plus fort que le champ magnétique dans lequel il a été aimanté est plus intense. Cependant on ne peut pas augmenter l’aimantation à l’infini ; on atteint une limite, la saturation. La force magnétique émanant d’un aimant ou d’un électro-aimant a une certaine intensité et une certaine direction, propriétés qui caractérisent le champ magnétique. Depuis Faraday, on représente les propriétés d’un champ magnétique par les lignes de force dont le spectre magnétique (fig. 1, 2 et 3) donne une image. 

L’intensité d’un champ magnétique est donnée par la densité des lignes de force dont la direction indique la direction du champ. Les figures précédentes montrent que l’intensité et la direction du champ magnétique varient d’un point à l’autre. C’est donc un non-sens de parler de l’intensité ou de la direction d’un champ magnétique, il faut dire : l’intensité ou la direction du champ en un point donné.

Le champ magnétique d’une dynamo par exemple est très intense dans l’entrefer ; son intensité diminue rapidement dès qu’on s’éloigne de l’électro-aimant qui produit le champ.
Le champ magnétique est dit uniforme lorsqu’en tous ses points son intensité et sa direction sont les mêmes. Un tel champ est caractérisé par des lignes de force droites, parallèles et également réparties. En général les champs magnétiques ne sont pas uniformes ; cependant on peut considérer comme uniforme le champ magnétique à l’intérieur d’un solénoïde assez long ou dans une bobine de Helmholtz alimenté par un courant continu d’intensité constante.
Si, dans un solénoïde, on change le sens du courant d’alimentation, on change également la direction du champ magnétique. On parle de champ magnétique continu s’il s’agit d’un champ dont la direction est toujours la même. Le champ est dit alternatif lorsqu’il résulte d’un courant alternatif ; il change de sens en même temps que le courant générateur. Donc le champ magnétique d’un aimant est un champ continu ; il en est de même du champ produit par un électroaimant alimenté par un courant continu. Le champ magnétique de l’électro-aimant est alternatif si la bobine est parcourue par un courant alternatif.

Mesure de l’intensité d’un champ magnétique

La description des différentes méthodes de mesure de l’intensité d’un champ magnétique en un point donné n’entre pas dans le cadre de cet article. Ces méthodes, qui n’ont rien de mystérieux, sont des méthodes de laboratoire ; elles sont appliquées au moyen d’appareils qui ne se trouvent généralement pas dans l’atelier de l’horloger. Celui-ci devrait cependant comprendre le sens de certains termes.

L’intensité d’un champ magnétique en un point déterminé est exprimé en oersteds (souvent aussi en gauss).
L’oersted est une unité du système C.G.S. ; c’est l’intensité du champ en un point où l’unité de masse magnétique est attirée ou repoussée avec la force de 1 dyne. Cette unité est relativement faible puisque, dans la vie courante, nous pouvons nous trouver dans un champ magnétique, là où l’intensité est de 20, 30 oersteds ou davantage.
La définition du gauss est la même que celle de l’oersted, mais on recommande de réserver le nom de gauss aux champs magnétiques résultant de l’induction.

Intensité de quelques champs magnétiques

Nous donnons à la page suivante la valeur en oersteds de l’intensité de quelques champs magnétiques qui peuvent être intéressants pour l’horloger. Lorsqu’il est question d’un appareil (téléphone, radio, etc.), le champ magnétique est censé avoir été mesuré à la plus petite distance de l’appareil que la main atteint dans l’usage courant.

Champ magnétique
Valeurs en oersteds
Près d’un appareil de radio5 à 10
Près d’un écouteur téléphonique10
Près d’un possemètre à cellule photo-électrique30
Près d’un haut-parleur (intérieur du poste)jusqu’à 100
Près d’un ampèremètre ou d’un voltmètre10
Près d’une table de planeuse à plateau magnétique100
Dans l’entrefer d’un galvanomètre1.000 à 2.000
Dans l’entrefer d’une dynamojusqu’à 10.000
Dans l’entrefer d’un gros électro-aimant de recherche20.000 et davantage 

Influence sur la montre

Il n’est pas indifférent, pour la marche d’une montre, que certains organes soient ou ne soient pas aimantés. Ceci se comprend aisément lorsqu’il s’agit d’organes délicats tels que le spiral, le balancier, les pièces de l’échappement. Mais l’aimantation de pièces volumineuses (rochet, couronne, ressort de barillet, tige de remontoir) peut influencer la marche d’une façon appréciable. 

Certaines pièces moins volumineuses peuvent amener des perturbations ; il en est ainsi des aiguilles en acier qui, à certains moments, se trouvent assez près de l’organe régulateur. On peut donc craindre que les champs magnétiques auxquels les montres sont de plus en plus exposées ne provoquent des perturbations inacceptables de la marche des montres. Heureusement, un fait atténue le danger : les champs magnétiques dangereux sont le plus souvent des champs alternatifs ; les pièces de la montre sont alors aimantées dans un sens, puis dans l’autre à la fréquence du courant alternatif générateur du champ magnétique ; il y a des chances que, lorsque la montre sort de la zone dangereuse, l’aimantation produite ne soit pas l’aimantation maximum et que l’aimantation rémanente soit faible.
Il ne peut pas être question d’éliminer complètement les champs magnétiques puisque, de toutes façons, nous nous trouvons dans le champ magnétique terrestre et nous ne pouvons pas en sortir tant que nous restons sur terre.

Le champ magnétique terrestre

La Terre agit sur les corps magnétiques comme le ferait un aimant : une aiguille aimantée se place, si elle est libre, toujours dans la direction Nord-Sud des pôles magnétiques de la Terre (ces pôles ne sont pas les pôles géographiques). Elle se trouve dans un champ magnétique que nous pouvons considérer comme un champ continu et uniforme sur un espace restreint et pendant un temps limité.

L’intensité du champ magnétique est faible à Paris, le 1 er janvier 1900, elle était de 0,466 oe (composante horizontale de 0,195 oe, composante verticale de 0,423 oe). 
Est-elle beaucoup plus forte aux pôles magnétiques ? Ces endroits sont difficilement accessibles, aussi y a-t-on fait peu de mesures ; on admet cependant (d’après un certain nombre de mesures) que l’intensité du champ magnétique terrestre est, au pôle magnétique (pôle de Gauss) d’environ 0,62 oe ; au pôle sud d’inclinaison, on a trouvé 0,69 oe. Les mesures effectuées sont trop peu nombreuses pour qu’on puisse considérer ces valeurs comme des valeurs moyennes. En effet, le champ magnétique terrestre varie avec le temps et avec certains phénomènes météorologiques tels que aurores boréales, orages magnétiques. Mais on peut considérer qu’en général, le champ magnétique terrestre – même aux pôles magnétiques – est trop faible pour influencer, de façon notable, la marche d’une montre.

De quoi dépend l’influence du champ magnétique sur la marche des montres ?

Tout d’abord de l’intensité du champ là où la montre se trouve ; cette intensité détermine le degré d’aimantation des pièces d’acier, aimantation qui ne peut cependant pas augmenter indéfiniment, mais seulement jusqu’à la saturation. Nous avons signalé qu’il n’est pas indifférent que le champ soit continu ou alternatif.
La position de la montre dans le champ magnétique joue un grand rôle. Cette position doit être jugée par rapport aux lignes de force du champ : l’effet est maximum lorsque le plan de la montre est parallèle aux lignes de force.
L’action du champ magnétique dépend naturellement de la construction de la montre ; cette action serait nulle si tous les organes de la montre étaient en substances non magnétiques (laiton, cuivre, bronze, aluminium, verre, pierres précieuses, etc.) ; elle dépend donc de ‘la présence des pièces en acier, surtout de celles qui constituent le dispositif réglant.
On entrevoit d’emblée une possibilité de protéger – plus ou moins – la montre contre l’effet des champs magnétiques ; c’est de remplacer autant que possible les pièces en acier par des pièces en substances non magnétiques.
On peut aussi envisager un autre moyen qui consiste à atténuer l’intensité du champ magnétique perturbateur.
Les deux moyens sont utilisés : l’un ou l’autre, souvent les deux en même temps.

Protection par le choix des matériaux 

Il s’agit tout d’abord de protéger l’organe réglant balancier-spiral.
L’invention du spiral autocompensateur a facilité la construction de la montre amagnétique ; les alliages utilisés pour ce spiral sont beaucoup moins magnétiques que l’acier ; cependant il faut savoir que les alliages du type élinvar (métélinvar, nivarox, isoval, etc.) ne sont pas complètement réfractaires à l’aimantation ; dans ces alliages, le magnétisme et l’anomalie thermo-élastique sont des propriétés dépendant l’une de l’autre.
Le spiral autocompensateur peu magnétique a encore le grand avantage de permettre l’usage d’un balancier monométallique en laiton, en bronze, en glucydur. Des essais ont été faits au Laboratoire suisse de recherches horlogères pour voir l’importance de l’emploi de substances non magnétiques dans la protection des montres contre l’influence des champs magnétiques. Des résultats obtenus avec une montre de 40 mm de diamètre sont consignés dans le tableau au bas de la page.
Le moyen préconisé est donc efficace. On peut encore augmenter légèrement la protection en utilisant des substances non magnétiques pour le plateau, la raquette, les aiguilles, le pont d’ancre, la tige de remontoir.
Le ressort de barillet en acier est naturellement magnétique ; certains, parmi les ressorts nouveaux – nivaflex, durober, vimétal – sont totalement amagnétiques. Certaines pièces en alliage non magnétique – le balancier par exemple – sont dorées après avoir été nickelées ; elles ne sont plus amagnétiques puisque le nickel ne l’est pas. Mais il restera encore des organes en acier tels que pignons, arbres, tiges de remontoir, rochet, couronne, ressorts, etc., sans parler des boîtes qui sont souvent en acier inoxydable.

Etat de l’organe réglant
y compris l’échappement
Champ produisant l’arrêt en oeEffet résiduel après passage dans un champ de 100 oe
Balancier acier-laiton, spiral en acier30200 s
Balancier non-magnétique, spiral compensateur10013 s
Spiral compensateur, balancier, ancre, roue d’échappement non magnétiques11007 s

Protection au moyen d’écrans

Il semble plus simple d’atténuer – sinon d’éliminer- le champ magnétique dans lequel la montre se trouve.
A cet effet, on utilise un écran, c’est-à-dire un corps qui attire les lignes de force de sorte que dans l’écran lui-même le champ magnétique est plus intense tandis qu’il est diminué en dehors de l’écran. Si la montre se trouve dans une boîte formant écran, les lignes de force passeront dans la boîte et le mouvement de la montre sera préservé. Totalement ? ou en partie ? L’écran doit être fait en une matière qui attire fortement les lignes de force ; cette propriété, la perméabilité, est exprimée par un nombre, u indiquant le rapport entre l’intensité du champ dans le corps et celle du champ lorsque le corps est remplacé par l’air.
Les substances à forte perméabilité sont : le fer doux aussi pur que possible, par exemple le fer électrolytique, le fer Armco; les alliages appelés mumétal, permalloy, qui contiennent du fer et du nickel avec des additions (cuivre, chrome, molybdène).
Un mouvement de montre enfermé dans une boîte étanche en fer pur, par exemple, n’est protégé qu’en partie ; la boîte ne peut être considérée comme un écran que si l’enveloppe est parfaite, sans fissure. On améliore la protection en utilisant un cadran ou en plaçant le cadran sur une plaque en alliage à haute perméabilité.
Si vous cherchez dans un recueil la valeur de la perméabilité pour une certaine substance, vous trouverez cette valeur sous la rubrique perméabilité maximum. Qu’est-ce à dire ? Que la perméabilité est variable. En effet, elle varie avec la température puisque vers 760° C, le fer perd ses propriétés magnétiques (point de Curie) et que le nickel subit la même transformation vers 350° C. L’état du métal influence la perméabilité qui est plus grande pour le métal recuit que pour le même métal ayant subi une action mécanique telle que laminage, étirage, forgeage. Ainsi pour le fer électrolytique nous avons
pour le fer recuit, u = 14 400 pour le fer non recuit, ,u = 1850
La perméabilité dépend, en outre, de l’intensité du champ magnétique là où le métal se trouve.
Les valeurs maximums données dans les tables se rapportent généralement à la température ordinaire et à des champs magnétiques d’intensités différentes.
Le fer électrolytique recuit a la perméabilité maximum, u = 14 400 dans un champ magnétique de quelques oersteds. L’écran magnétique agit à la façon d’un paratonnerre ; il attire les lignes de force qui sont plus dispersées dans le voisinage. En lisant les lignes qui précèdent, le lecteur pourrait se dire que l’écran va permettre de construire une montre capable de résister à n’importe quel champ magnétique. Hélas ! il faut déchanter ! Les matières propres à faire des écrans ont une très grande perméabilité pour un champ d’intensité donnée ; cette perméabilité diminue rapidement si l’intensité du champ devient plus grande ou plus petite. Malheureusement, l’intensité du champ qui correspond à la plus grande perméabilité n’est que d’une fraction d’oersteds pour le permalloy ou pour le mumétal ; elle n’est que de quelques oersteds pour le fer pur. Dans les champs magnétiques de quelques centaines d’oersteds, la perméabilité est faible, de sorte que l’efficacité de l’écran est bien diminuée.
Pour les champs très intenses – de plusieurs milliers d’oersteds – on peut envisager une protection donnée par un écran double (deux écrans séparés par un entrefer). Cette solution, qui rend la montre plus épaisse, ne convient pas aux montres dont l’élégance est la qualité primordiale.

Définition de la montre amagnétique

Ce qui précède montre qu’il n’y a pas de montres protégées intégralement contre tous les champs magnétiques. Les expressions «montre absolument non magnétique» ou « montre 100 % amagnétique » sont des nonsens. Ceux qui les emploient se trompent ou veulent tromper les autres. Il faut dire jusqu’à quel point la montre est protégée contre l’action des champs magnétiques. D’où la nécessité de définir la montre amagnétique. Un essai a été tenté en 1948: une commission de la Société suisse de chronométrie a établi la définition suivante : une montre peut être qualifiée d’amagnétique si elle remplit les conditions suivantes

  1. l’influence temporaire dans un champ de 20 oersteds doit être inférieure à 30 s,
  2. l’arrêt ne doit pas se produire dans un champ magnétique ne dépassant pas 80 oe,
  3. l’effet résiduel après passage dans un champ de 80 oe doit être inférieur à 15 s.

La marche sera observée sur un chrono-comparateur, genre Vibrograf, dans un champ magnétique uniforme et horizontal, la montre étant placée dans la position horizontale cadran en haut, c’est-à-dire dans la position la plus défavorable.
Cette définition devrait être acceptée et sanctionnée par les fabricants d’horlogerie, entre autres par des associations telles que la F.H. Jusqu’à présent, ces associations n’ont pas réagi, de sorte qu’il n’existe, pour le moment, aucune définition officielle de la montre amagnétique.

Les montres pour ingénieurs

Certaines personnes – ingénieurs, techniciens, ouvriers – se trouvent parfois, au cours de leur activité professionnelle, dans des champs magnétiques très intenses, par exemple dans le voisinage des électroaimants, des dynamos, des moteurs, des machines utilisées pour les recherches nucléaires. Ainsi dans l’entrefer du cyclotron du Centre européen de recherches nucléaires (C.E.R.N.) à Meyrin près de Genève, le champ magnétique est continu et son intensité est de 18 000 oersteds ; aussi prie-t-on ceux qui visitent le cyclotron de déposer leur montre dans un endroit non exposé.
Nous avons cité un cas extrême puisqu’il s’agit d’un champ magnétique continu et très intense, donc particulièrement dangereux pour les montres ; il faudrait des circonstances exceptionnelles pour qu’une montre arrive dans l’entrefer de l’électro-aimant du cyclotron.
Cependant, on ne peut nier le fait que, de jour en jour, le danger augmente pour les montres de ceux que leur profession appelle à travailler dans le voisinage d’électroaimants puissants.
Quelques maisons suisses ont construit dernièrement des montres spécialement protégées contre l’effet des champs magnétiques les pièces délicates de ces « montres pour ingénieurs » sont naturellement en substances non magnétiques (sauf le spiral compensateur) et le mouvement est protégé au moins par un écran. Celui-ci est une boîte composée d’un fond, d’une carrure et d’une plaque faisant fonction de cadran (ou supportant le cadran).

Le métal choisi pour l’écran varie d’une fabrique à l’autre ; le plus souvent il s’agit de fer pur; on utilise aussi le mumétal. Les essais ont montré que la boîte en acier inoxydable ne peut pas servir d’écran ; par contre, la boîte en fer doux ou en mumétal pourrait jouer le rôle d’écran, malheureusement ces métaux sont très oxydables. Il ne reste qu’à utiliser une boîte en acier inoxydable à l’intérieur de laquelle se trouverait un écran formé comme nous l’avons dit. 
Ainsi protégée une montre peut supporter un champ magnétique de l’ordre de 1000 oersteds avec un effet résiduel ne dépassant pas 30 secondes. Cette protection est suffisante dans la plupart des cas car pour qu’une montre soit dans un champ de plusieurs milliers d’oersteds, il faudrait qu’elle soit dans l’entrefer d’un gros électro-aimant. Dans un tel champ, la montre serait bloquée à tel point que le porteur de la montre aurait bien de la peine à mouvoir son poignet.

Dans l’état actuel de la technique horlogère on arrive, avec la montre pour ingénieurs, à construire une montre qui, en général, est à peu près insensible aux champs magnétiques; elle est, pratiquement, amagnétique. Peut-on réaliser une protection encore plus efficace ? Certes, en utilisant encore davantage des substances non magnétiques dans la construction de ‘la montre.

Le spiral continue à poser un problème délicat : en permettant l’emploi d’un balancier monométallique, le spiral compensateur, lui-même peu magnétique, a rendu possible la construction d’une montre plus ou moins protégée contre les champs magnétiques. Mais ce spiral n’est pas – et ne peut pas être – amagnétique tant qu’on utilisera, pour ce spiral, des alliages du type élinvar (métélinvar, nivarox, isoval). Jaquerod a montré qu’il existe des verres dont on pourrait faire des spiraux compensateurs et qui seraient absolument inoxydables et amagnétiques. 
Les matières plastiques pourront peut-être un jour être utilisées pour faire des roues, des pignons, des arbres, etc.

La désaimantation des montres

L’horloger se trouve parfois devant une montre aimantée à réparer. Il n’hésitera pas à désaimanter la montre, mais le résultat de cette opération est parfois décevant, parfois bon. Pourquoi ? il faut le plus souvent incriminer le procédé utilisé.
Bien des horlogers pensent qu’il suffit de placer la montre dans une bobine parcourue par un courant alternatif et de l’éloigner plus ou moins lentement du champ magnétique de la bobine ; peut-être effectueront-ils cette opération plusieurs fois de suite. 
En réalité, la désaimantation complète n’est pas facile à obtenir : les pièces aimantées de la montre ne le sont pas toutes au même degré ; elles n’ont pas toutes la même position par rapport aux lignes de force du champ magnétisant ou du champ démagnétisant, et enfin, l’acier, suivant sa constitution et suivant son état, n’oppose pas toujours la même résistance à l’aimantation ou à la désaimantation.

Le véritable procédé de désaimantation consiste à démonter la montre et à désaimanter séparément chaque organe suspect. Ce procédé semblera monstrueux au rhabilleur ; il demande un temps qui va augmenter ‘le prix de la réparation au point d’effrayer le client ou de lui faire croire qu’on le vole.

En général, le rhabilleur se contentera d’une manipulation plus rapide, mais il doit savoir qu’il n’est pas possible de désaimanter complètement et sûrement une montre emboîtée ; il faut sortir le mouvement de la boîte. 
L’horloger dispose généralement d’une bobine à l’intérieur de laquelle il peut introduire la montre ; cette bobine parcourue par un courant alternatif engendre un champ magnétique alternatif. La montre est placée au cœur de la bobine, puis éloignée lentement de la bobine. 
Pendant ce déplacement, ‘la montre doit être tournée dans tous les sens afin que toutes les pièces susceptibles d’aimantation se trouvent dans la bonne position par rapport aux ‘lignes de force du champ de la bobine. 
Cette opération risque de ne pas suffire. Il est donc prudent de la recommencer dans un champ magnétique plus faible qu’on obtient en diminuant l’intensité du courant d’alimentation de la bobine. Puis on refera la même manipulation avec un champ encore plus faible. On aura soin d’enregistrer la marche (au Vibrograf par exemple) 1) avant la désaimantation ; 2) après chaque manipulation. Ces enregistrements montreront jusqu’à quel point la montre est désaimantée.