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Si les créations de l’horlogerie ont apporté par elles-mêmes une très importante contribution aux arts décoratifs.

Orlogeur

Elles furent aussi une source d’inspiration pour les arts plastiques, et cela très tôt déjà : témoin les « tempérances » sculptées des cathédrales (cette vertu cardinale est toujours représentée par une femme portant une horloge) ou de nombreuses gravures et miniatures des XVe et XVIe siècles. Déjà l’art populaire s’en était emparé pour en tirer abondamment parti.

« L’horloger » image tirée du livre allemand de vulgarisation de J.P. Voit sur les métiers (fin XVIIIème siècle)

Art populaire ? Il n’y a rien de péjoratif dans ce terme. L’art est « un » et ne comporte pas de hiérarchie, ou plutôt celle-ci n’est que dans la valeur des œuvres. 
Cependant, parmi les artistes, ce sont surtout ceux que l’on a appelés les petits maîtres (dessinateurs et graveurs en particulier) qui ont eu recours à l’horlogerie sous une forme, soit anecdotique ou descriptive presque toujours savoureuse, soit caricaturale ou symbolique, voire romanesque et sentimentale.

« Le pendulier » même source que fig2

Les premières représentent (comme nous en montrons plusieurs exemples) des ateliers d’autrefois : intérieur d’artisans modestes autour desquels flotte une atmosphère de labeur robuste et de gai savoir (fig. 2 et 3) ; scène familiale où se mêlent le travail de dentelière de l’épouse et celui de l’horloger à l’établi (fig. 5).

C’est même l’échoppe d’un rhabilleur rustique où les clients ne sont point reçus dans la fastueuse salle de vente des manufactures d’aujourd’hui, mais passent la tête par la fenêtre, comme la sorcière de Blanche-Neige pour discuter les mérites d’une tocante et surtout le prix de sa réparation (fig. 6)

Fig5 : La famille de D.J Jacopin dans son atelier de la Chaux-de-Fonds, vers 1830 
Fig6 : Chez un rhabilleur suisse, tableau de Métral (vers 1840)

Mais parfois, l’horloger ambulant se présente avec l’autorité d’un médecin, celui des pendules et des montres, jovial et bienveillant (fig, 4), autour duquel se groupe toute la famille intéressée comme en une partie de plaisir.

« Le médecin des montres », gravure de G. Hoesch (millieu du XIXe siècle)

En d’autres images d’une conception plus fine, la pendule paraît tout simplement dans son cadre, témoin de réunions intimes, si (comme le développe dans un de ses romans Léon Estaunié) « les choses voient ».
Un tel objet, en tous cas, ajoute au pittoresque de la scène de famille (fig. 9 et 10) que nous présentent les deux peintres bernois K.-L. Zehnder et P.-N. Legrand, ou au charme de la « Musique de chambre » exprimée par l’artiste bâlois E. Handmann (fig. 8). Dans cette oeuvre, toute de douceur, la pendule de style, dans le salon lambrissé et un peu vieillot, est comme un troisième personnage en harmonie avec la jeune femme au clavecin sous l’égide souriante du maître qui n’est peut-être que l’époux.

Fig8 : « musique de chambre », tableau du peintre bâlois Emmanuel Handmann (1718-1781)

Et voici un dessin de C.-D. Friedrich (fig. 7) où le sablier, cette horloge primitive, redevient le centre du motif, l’éternel emblème du temps qui fuit. Celui-ci est exprimé d’une manière simple, mais combien émouvante, par cette pauvre vieille, la mère de l’artiste a-t-on supposé, qui joint ses mains ridées sur l’objet symbolique. Et cela évoque l’image poétique et angoissante de Baudelaire : « Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide. »

Fig7 : Dessin à a craie de Caspar-David Friedrich, peintre paysagiste poméranien, né en 1774

Mais le symbole peut tourner à la satire comme dans cette gravure (fig. 11) de la fin du XVIle siècle où l’artiste s’en prend aux extravagances de la mode masculine et féminine. Celle-ci est habilement exprimée par un seul personnage, moitié homme et moitié femme, la seconde arborant la haute coiffure « à la Fontanges ». 
Tout autour de ce singulier cavalier, des vignettes expriment le labeur pénible du peuple durant les longues heures du jour et de la nuit, marquées sur les deux cadrans… Cette image ne pourrait-elle pas être une illustration des « Caractères » de La Bruyère, et surtout du chapitre intitulé « Des biens de fortune » ?

Fig11 : Dessin satirique contre le faste des grands (fin du XVIIeme)

Du burlesque, nous descendons au grotesque (fig. 12) avec cette caricature anglaise intitulée « Le valet de pied irlandais ». 
Le noble lord, cloué dans son fauteuil par la goutte, a chargé ce domestique d’aller régler sa montre, et le naïf Irlandais, ne sachant comment s’y prendre, juge bon de déterrer le cadran solaire horizontal qui orne le jardin et de l’apporter avec la montre à son maître. 
Il existe naturellement, aussi sur les Anglais, des caricatures irlandaises non moins savoureuses. « Honni soit qui mal y pense ! »

Fig12 : Le lord et son valet de pied irlandais. Caricature anglaise (1808)

La première et la dernière image nous ramènent au symbole. « L’habit d’orlogeur » fait partie d’une série de « costumes grotesques », gravés par N. de Larmessin (1640-1725). Plusieurs se rapportent à l’horlogerie et d’autres à divers métiers, à la musique. etc.

Tous ces personnages sont surchargés d’attributs, beaucoup plus encore que « l’homme d’orchestre » que nous avons tous connu jadis. 
Et cette série se termine par la « Danse des heures » : celles de la nuit : lithographie du XIXe siècle se rapportant aux ballets de l’opéra au temps de la Régence. 
Les heures sont marquées sur le pourtour de l’ample robe à panier de la « chauve-souris », et cette robe est ainsi transformée en cadran avec, comme index, les pieds agiles de la gracieuse ballerine.

Fig13 : « Les heures de la nuit », personnage d’un ballet de l’opéra en 1720